Cris dans un jardin. Marie Murski (cliquez sur le titre pour plus de détails)
Cris dans un jardin. Marie MURSKI (édition Cogito)
"Je suis entrée dans la toile d'araignée en chantant.
Des années plus tard, enserrée de toutes parts, je chantais toujours.
Jusqu'à quand ai-je chanté ?" Marie MURSKI
Voilà, je viens de refermer ce témoignage bouleversant que je voulais lire depuis longtemps et que je n'ai pas lâché pendant deux jours. Deux jours à accompagner Marie Murski dans son calvaire, à l'encourager et la soutenir en tournant les pages, vite, plus vite encore pour parvenir à la libération. Deux jours à l'épauler pour qu'elle cesse de subir les outrages, les insultes et la violence cruelle de son mari, pervers narcissique. Fuis, Marie ! Sauve-toi ! Ne te laisse pas détruire comme ça... J'ai pleuré avec elle, me suis battue auprès d'elle, me suis révoltée à ses côtés, et j'ai enfin à nouveau respiré en quittant son cimetière avec elle lorsqu'elle est enfin sortie de la toile.
Comme dans la plupart des témoignages sur les violences conjugales, ce récit nous glace par la froideur et l'inhumanité des actes pervers décrits. Mais l'originalité de l'écriture de Marie est d'avoir su mêler des passages secs et tranchants à d'autres empreints d'une douce poésie, de cette plume si légère et subtile qu'elle parvient à nous fait goûter à la sensibilité de l'auteure. Un contraste très juste entre le PN et sa victime que Marie a su retranscrire dans l'écriture même. Un exercice de style remarquable.
En effet, comment ne pas être touché par une romancière qui sait si bien convoquer nos sens, autant pour évoquer la perverse stratégie de son bourreau qui parviendra à la convaincre de son odeur nauséabonde ("les dernières années, je me lavais plusieurs fois par jour, me reniflais, développais des manies par rapport à la propreté. Jusqu'au bout, avec fureur et machiavélisme, il m'accusera de "puer". Dans le même temps, il répétait combien les chiens sentaient bon. Lorsque la violence s'apaisait, soudainement je sentais bon. Il prit l'habitude d'annoncer les périodes d'accalmie par ces mots : - Tu es une chieuse, mais tu sens bon. Sentais-je mauvais ou sentais-je bon ? Il eût fallu cesser de me poser la question, de me culpabiliser, de courir vers l'eau et le savon dès que je l'entendais rentrer, de me demander si je sentais assez bon pour entrer en accalmie. Je "puais" ou je "sentais bon" selon son besoin du moment. Cela n'avait rien à voir avec moi, moi en tant qu'être humain qui avait une odeur. Je n'existait pas. Je mis du temps à le comprendre.") que dans ses envolées poétiques où elle nous fait partager son amour pour son jardin, les mille couleurs et odeurs de son "merveilleux" ? Un témoignage où odeurs, formes et couleurs respirent à chaque page pour une envolée des sens si évocatrice. Je n'avais vécu auparavant cette expérience sensorielle qu'avec le célèbre roman de Süskind (Le Parfum)... Merci Marie Murski pour ce nouveau transport aux portes de la poésie !
J'ai voyagé aussi au gré des métaphores et images, si justes... J'ai ainsi tremblé à chaque fois que je voyais s'approcher le bourreau à la "bouche tordue" par la colère... ; j'ai souffert aux côtés du jardin agonisant, sentant moi aussi "les bois, les tiges et les fleurs craquer dans mes veines ; le coeur éclaté"...
Petit détail, Marie Murski est l'une de ces romancières dont la plume nous semble si proche qu'elle nous fait oublier qu'elle manie la langue française dans ses usages grammaticaux et syntaxiques les plus subtils, de telle manière que l'utilisation du subjonctif imparfait nous paraît si naturelle et si aisée...
L'auteure a voulu crier sa douleur dans ce témoignage et elle l'a fait d'une admirable manière, se faisant ici porte-voix de toutes ses soeurs d'infortune. Elle peut en être fière...
Merci Marie Murski !
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