Phobies, vous avez dit phobies ?
À la question, peut-on enfoncer une vis à coup de marteau dans du plâtre ? La réponse est oui.
Mais est-ce efficace ? La réponse est non. Un clou irait sans doute. Mais ici, une cheville et un tournevis seront les outils adaptés. Il en va de même avec les mots !
Les mots, pour être efficaces, doivent être chevillés au discours. Les mots déconnectés de la réalité ne produisent que des pensées vides. Il n’y a pas de réelle pensée hors des mots et si les mots sont creux, la pensée le sera également.
Prenons par exemple le mot "phobie" qui, selon le dictionnaire Robert, désigne depuis les années 1880, dans le domaine de la psychologie, une crainte irraisonnée, excessive et donc maladive de certains actes, situations, idées ou objets, tels que l’agoraphobie, claustrophobie ou arachnophobie… "Phobie" qui, selon le dictionnaire étymologique Larousse vient du grec phobos qui signifie "frayeur". On déduit donc de ces définitions que la personne atteinte de “phobie” n’est pas responsable, car comment pourrait-elle être responsable d'une maladie qui peut s'avérer très handicapante ? Puisque la "phobie" est au mieux une crainte irraisonnée, au pire une maladie frontalière de la névrose, on peut légitimement penser qu'elle relève de la médecine et/ou, de la psychothérapie. Mais, en aucun cas de la Justice, comme c'est le cas avec ces nouveaux termes totalement inapropriés (xénophobie... homophobie... islamophobie...) ! Tout procès d'intention à l'égard d'une personne qui n'est pas responsable de ses actes est une pure absurdité d'un point de vue moral et contraire au Droit positif.
Soit dit au passage que ce qui est irrationnel, ce n'est pas de manifester une crainte des araignées qui peuvent être plus au moins dangereuses, voire mortelles pour certaines espèces, mais le degré d'effroi que la vue de la bestiole provoque chez le sujet atteint de phobie. Les espaces confinés ou très dégagés peuvent aussi présenter un certain danger. Les serpents, les rats, etc. aussi. Bref, la suspicion à l'égard d'une chose ou d'une situation potentiellement dangereuse est naturelle au regard de l'instinct de survie. Ce n'est que lorsque les répercussions psychosomatiques sont trop intenses, disproportionnées au point d'entraîner une paralysie, une syncope, voire un arrêt cardiaque que l'on peut parler de "phobie". Si l'on perd de vue l'étymologie des mots, ou si certaines personnes s'amusent à des dérives pour coller à des discours politiques et médiatiques, alors on sombre dans l'absurdité.
Imaginons un individu du Siècle des Lumières par exemple, qui exprimerait par la parole ou par l'écrit des propos critiques à l'encontre de l'Église catholique... L'accuserait-on de "cathophobie" ? A-t-on jamais utilisé un tel mot ? Or, il n'est pas impossible, même si l'on ne s'appelle pas Voltaire, de trouver dans l'histoire du catholisme autant de sang que d'eau bénite. Croisades, bûchers de l'Inquisition, chasse aux hérétiques Albigeois, St-Barthélémy …la liste est trop longue pour être exhaustive. Donc, il n'est pas impossible d'éprouver une défiance, une crainte irrationnelle envers le catholicisme qui en toute irrationalité a tant de fois foulé aux pieds la foi des croyants pour lesquels "Tu ne tueras point !" est un commandement inviolable, car parole de Dieu… Si ce dernier doit reconnaître les siens, la raison voudrait que le légat du pape Innocent III qui ordonna le massacre de la population de Béziers ne fasse pas partie de cette reconnaissance… D'ailleurs, un Dieu infiniment Bon, selon le credo, pourrait-il sans imperfection être reconnaissant d'un seul assassinat commis en son nom ?
Malgré cela, on n'a jamais parlé de "cathophobie" ! Le mot paraît trop grotesque pour être passible des tribunaux.
Ce mot par conséquent ne devrait pas être accolé à un autre à la légère, quand bien même l'époque est à la légèreté, au festif à tout va… Bientôt chaque journée de l'année sera consacrée à une fête quelconque de sorte que l'esprit toujours occupé à se préparer à la fête, il n'y a plus de place en lui pour la "discrimination", soit la distinction, le jugement. C'est-à-dire la pensée (car, comme nous le rappelait Kant, penser c'est juger. Soit soupeser, évaluer, discriminer.) ! L'esprit, non pas léger, mais lourd des flonflons perpétuels et du rose bonbon qui enveloppe tout cela, voit le mal partout ailleurs, croit que tout autre individu qui ne partage pas cet univers bobo voit forcément la vie en noir ! Le monde n'est ni noir, ni rose… Tant de touches de couleurs sont devenues invisibles à ce petit monde qui a désappris à regarder et à voir… Sans doute trop de clous enfoncés, comme autant de vérités, dans des cerveaux plâtreux.
Mais comme d'habitude, "tout ceci ne nous concerne pas !…"
Alors, peu me chaut.
Le rônin, Erik